Marché des céréales Les fondamentaux restent haussiers
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les marchés sont encore restés sous pression cette semaine malgré les perspectives de tension qui restent de mise. C’est le blé et le maïs ukrainien qui ont poussé les autres céréales vers le bas.
Les prix du blé toujours sous pression « artificielle »
Après le soubresaut de la semaine dernière, les prix des blés français sont restés orientés à la baisse cette semaine. Ils ont perdu presque 10 €/t à Rouen (à 196 €/t en base juillet), 5 €/t en Moselle (à 191,75 €/t et 4 €/t à la Pallice (195,75 €/t).
Cette tendance baissière a concerné presque toutes les origines mondiales, sous l’impulsion des blés américains qui ont vu leur prix descendre de manière la plus marquée (- 10 $/t à 221 $/t Fob Gulf pour les blés SRW et 238 $/t pour les blés HRW). Les prix de la mer Noire, eux, ont baissé aussi, mais plus modérément (- 3 $/t à 215 $/t pour le blé russe à 12,5 % de protéine).
C’est le marché US qui a poussé les autres origines vers le bas à cause de la faiblesse des ventes US pour l’instant. Les pluies récentes sur le Midwest sont de bon augure pour les semis d’hiver et cela a constitué aussi un facteur baissier. Par ailleurs, Chicago a fortement réagi au fait que la Russie n’impose pas tout de suite de limite à l’exportation : la Russie a mis en place des réunions hebdomadaires entre le gouvernement et les exportateurs. Ces réunions permettent ainsi au gouvernement de suivre les exportations et les intentions de vente avec l’objectif d’anticiper le moment où les exportations de blé russes se rapprocheront de 30 millions de tonnes.
Nulle décision n’a encore été actée concernant ce qui arrivera quand ce niveau sera atteint mais il n’est pas exclu du tout que des mesures de limitation soient prises alors… En fonction de la grande compétitivité actuelle des blés russes et au rythme où vont les chargements au départ de ce pays, on ne peut exclure d’éventuelles restrictions dès le début de la seconde moitié de campagne. Par ailleurs, même sans mesure de restriction de la part du gouvernement russe, les quantités de blé russe qui resteront disponibles à exporter en seconde moitié de campagne (et même à partir de décembre) seront assez faibles. Restriction ou pas, le bilan russe s’annonce tendu et le « soulagement » ambiant qui a conduit à la baisse des prix ne semble pas vraiment justifié.
Retour des taxes à l’export en Argentine
La faiblesse du rouble, de la livre turque (ce qui ralentit les achats de la Turquie) et des monnaies sud-américaines ont aussi constitué des éléments baissiers depuis plusieurs semaines. L’Égypte en a profité en achetant 60 000 tonnes de blé russe cette semaine : elle a « sauté » sur l’offre la plus basse (217 $/t Fob sur octobre), mais n’a pas acheté beaucoup plus car les offres suivantes étaient beaucoup plus chères.
L’Argentine, de son côté, a décidé de remettre en place une taxe à l’exportation sur le blé et le maïs (fonction du taux de change peso/dollar) dans un effort pour lutter contre son déficit public. Cette mesure a été accueillie froidement par les opérateurs après la libéralisation complète qu’avait opérée le président Macri en 2015. Cette disposition va forcer les producteurs argentins à ajuster leur prix en baisse d’autant et risque aussi de les pousser à faire de la rétention s’ils anticipent de nouvelles baisses du peso. Il s’agit donc plutôt d’une mesure haussière pour le marché mondial, qui pourrait empêcher l’Argentine d’être aussi agressive qu’elle aurait voulu l’être.
Un autre élément important de la semaine : au Royaume-Uni, l’usine de production d’éthanol (Vivergo/BP) a décidé de stopper son activité à partir d’octobre. Cela va retirer plus de 500 000 tonnes de demande du marché et conduire le Royaume-Uni à redevenir plus agressif à l’export.
Le blé fait chuter l’orge
Les prix de l’orge fourragère ont suivi la baisse du blé et abandonné environ 5 €/t depuis la semaine dernière. L’orge vaut maintenant 197,75 €/t à Rouen (base juillet) ou 236 $/t Fob. Les orges françaises ont vu leur prix baisser plus nettement que les orges de la mer Noire (stables) si bien que les orges françaises viennent de gagner en compétitivité. L’Arabie saoudite (un des principaux importateurs d’orge) est sur le marché actuellement pour acheter 1 million de tonnes et l’Europe (dont la France) apparaît bien placée. La Jordanie, elle, a acheté 120 000 tonnes en deux jours.
À cause des conditions qui demeurent très sèches sur l’est australien, les perspectives de récolte se dégradent dans ce pays. Nous y estimons maintenant la production inférieure à l’an passé. Cette situation, combinée avec des rendements revus en baisse aussi au Canada et en Russie, vient confirmer l’extrême tension du bilan mondial et laisse présager un rebond possible.
Sur le segment brassicole, les prix ont perdu environ 5 €/t également, dans la foulée des valeurs fourragères, à 211 €/t Fo Creil pour les orges d’hiver et 239 €/t pour les orges de printemps.
Le maïs n’échappe pas à la baisse
Beaucoup d’ingrédients baissiers sur le marché mondial du maïs cette semaine avec des révisions en hausse des rendements US par certains opérateurs et l’arrivée sur le marché d’une récolte presque record en Ukraine. Malgré tout, le maïs s’est renchéri cette semaine aux USA en raison de pluies importantes sur le nord des plaines de production alors que la récolte va commencer.
Par ailleurs, la remise en place des taxes à l’exportation sur le maïs en Argentine inquiète les opérateurs et cela a conduit à un renchérissement des maïs US et brésiliens. Malgré tout, les maïs français, eux, n’ont pas suivi la hausse mais se sont laissé tirer vers le bas par le blé malgré des récoltes qui s’annoncent mauvaises, en France et en Allemagne notamment. Le maïs Fob Rhin se retrouve ainsi à 171 €/t (en base juillet, -4 €/t) et le maïs Fob Bordeaux à 173,75 €/t (-3 €/t). Ils ont été poussés aussi par les prix ukrainiens qui ne suivent pas du tout les valeurs américaines. En effet, les maïs d’importation (ukrainien voire brésilien) restent potentiellement très attractifs dans l’UE (Sud et Nord) et sont même en train de devenir attractifs en Bretagne.
Le colza est sous pression de la lourdeur outre-Atlantique
Pour la quatrième semaine consécutive, le colza se replie sur la semaine sur le marché français. Même si ce recul est de faible ampleur, à la faveur d’un affaiblissement de la valeur de l’euro face au dollar US, le prix du colza perd néanmoins 2,50 €/t rendu Rouen, et 2 €/t sur l’échéance novembre 2018 d’Euronext. Le prix Fob Moselle résiste en raison des récoltes catastrophiques du nord de l’Europe (+1 €/t sur la semaine).
Cette fois-ci, la raison n’est pas à chercher derrière un affaissement du soja, qui rebondit légèrement ces derniers jours, mais dans les récentes publications de l’office de statistiques canadien. En effet, des stocks de canola historiquement élevés au 31 juillet 2018 se confirment (à 2,4 millions de tonnes). Le prix du canola sur le marché de Winnipeg a ainsi perdu 5 $/t sur la semaine. De plus, la récolte bat son plein dans le Saskatchewan, avec 20 % des champs déjà récoltés, et presque 60 % des champs mis en andains ou sur le point de l’être. Les premiers retours de récolte font état de résultats légèrement supérieurs aux attentes, le temps de la toute fin de cycle ayant été plutôt favorable.
Dans le Manitoba la récolte est faite à 65 %. Dans cette province, un gel précoce a été enregistré le 5 septembre, alors qu’une partie des cultures de canolas n’était pas arrivée à maturité. Des pertes sont à prévoir sur certaines parcelles, mais l’ampleur du phénomène est encore difficilement mesurable. Dans l’Alberta en revanche la moisson est moins avancée, en raison du temps humide des dernières semaines. Celui-ci pourrait d’ailleurs persister jusqu’à la mi-septembre, ce qui pourrait affecter le rendement et la qualité des grains.
Les bonnes récoltes en mer Noire pèsent sur le prix du tournesol
Les cours du tournesol à Saint-Nazaire ont encore cédé 2,5 €/t à 317,5 €/t cette semaine sous la pression de la récolte et des bonnes perspectives chez les principaux producteurs mondiaux. En France, les moissons sont en cours : les premiers résultats sont hétérogènes selon la nature des sols (profonds ou superficiels) et selon l’impact de l’épisode de sécheresse sur le développement de la culture. Globalement, la production nationale devrait reculer sur une année. La situation est plus rassurante dans le reste de l’UE, notamment en Europe de l’est. En mer Noire, la récolte a commencé et la production est attendue en hausse en Ukraine et en Russie par rapport à l’an dernier.
Soja et tourteaux de soja voient leur prix remonter de concert
Le soja reprend 3 $/t sur le marché de Chicago cette semaine. Le principal soutien réside dans la remontée des taxes à l’exportation sur le soja argentin, mais aussi sur les tourteaux, annoncée par le président Macri parmi un contingent de mesures destinées à renforcer l’économie argentine. Ce rebond des prix mondiaux a lieu malgré le très bon état des cultures aux États-Unis, et les récentes annonces du président américain rendant peu probable la résolution du conflit commercial entre US et Chine à court terme.
Les tourteaux de soja regagnent 8 €/t à Montoir cette semaine à la suite du soja. Le pois fourrager à Montoir recule lui de 5 €/t sur la semaine, sous la pression des importations actuellement dynamiques dans le sud de l’UE et des stocks mondiaux élevés (notamment au Canada).
À SUIVRE : rythme des exports russes, récoltes de céréales et canola canadiennes, récolte du tournesol dans l’UE et mer Noire, mise en place des taxes à l’export en Argentine, récolte de maïs US, conditions climatiques aux USA (soja) et en Australie (colza).
Tallage
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